La Vie d'Oyasama selon la vision du temps moderne

III, Temple de Tsukihi

9, Les années Bunkyu 1861 à 1864 ( La Vie d'Oyasama, p.p 27-30. )

Au début des années 1860, Oyasama se fit connaître dans la région comme Dieu de l'accouchement aisé et les gens commencèrent à apporter des offrandes à la Résidence en guise de remerciement pour la protection reçue. Elle sauvait non seulement les personnes qui venaient lui demander la guérison mais aussi elle partait à la rencontre des malades pour les sauver. Victime de sa réputation, elle recevra toutes sortes de personnes, même des insolents qui essayeront de lui arracher de l'argent. En tout cas, cela faisait plus de vingt ans après la Révélation que les enseignements de Tenrikyô se firent enfin entendre et qu'il connut ses premiers fidèles.

Pendant cette période, il y eut quelques épisodes significatifs.

Voici l’histoire de Chusaku TSUJI, un des premiers fidèles les plus connus. En 1863, il était venu voir Oyasama pour lui demander la guérison de sa sœur qui souffrait alors d'accès de démence. En ce temps-là déjà, elle ne sauvait pas que les femmes enceintes. De retour chez lui, cet homme répétait matin et soir « Namu, Tenri-O-no-mikoto, namu, Tenri-O-no-mikoto... » Pourtant, il n'obtenait pas le résultat souhaité. Il est donc retourné chez elle et lui a redemandé son secours.

« Le Service est trop bref », a-t-elle répondu.

À l'époque, le Service consistait simplement à psalmodier le nom de Dieu. Le nombre de fois qu'il fallait le répéter n'était pas défini, et l'on mesurait le temps de la prière à celui que prenait un bâtonnet d'encens pour brûler. Or, justement, Chûsaku cassait en deux les bâtonnets.(1) Alors, il a arrêté de les casser pour prier et sa sœur s'est bien rétablie.

Que signifie-t-il, le Service bref ? Il veut dire que le temps de son Service était court mais de nos jours, on peut dire « le Service était précipité » plutôt que « le Service était court ». S'il est écourté, ce n'est pas parce qu'il est répété moins de fois mais qu’il est fait à une cadence accélérée étant donné que le nombre de fois est bien défini. Ce n'est plus la même façon de mesurer le temps au Service. En tout cas, un demi-bâtonnet prenait environ vingt minutes pour brûler(2). Imaginons que nous répétions le nom de Dieu pendant plus de vingt minutes au lieu de faire les gestes des mains ou les danses sacrés. Je trouve que c'est déjà assez long. De plus, il lui fallait finalement réciter pendant trois quart d'heures, le temps que brûlait un bâtonnet. Malgré la différence de la notion du temps entre son époque et aujourd'hui, le temps de ses prières initiales ne me paraît pas forcément insuffisant pour un futur croyant.

Un descendant de ce fidèle a parlé de son caractère très hâtif pour expliquer qu'il voulait obtenir un résultat immédiat. Selon lui, il avait pensé que, si le temps était raccourci, la durée de la souffrance de sa sœur serait aussi écourtée(3). Cependant, Oyasama avait déclaré dès le départ comme suit : « sa folie ira en s'atténuant mais cela ne se passera pas aussi vite que pour un estomac vide à remplir » (La Vie d'Oyasama, p.29). Par conséquent, son émotion au Service ne se serait pas accordée à cette parole d'Oyasama.

Pour un maître de Tenrikyô, le sens de cet épisode est clair : s'il casse les bâtonnets en deux, cela signifie que le temps consacré est diminué de moitié et que le coût aussi est réduit de moitié. Aussi ses efforts seront-ils diminués. La sincérité au fond du cœur sera également réduite de moitié.(4) Le deuxième Shimbashira, de son côté, affirme que ce n'est pas une question de temps car on ne peut pas bénéficier de la protection doublée en raison de ses heures de prière doublées.(5) Autrement dit, l'histoire du temps est anecdotique bien qu'il fasse partie des éléments de prière. Cela va sans dire qu'il y a un problème quelque part, si nous finissons le Service assis en une minute seulement. Cependant, même si nous mettons un quart d'heure pour le faire, la protection n'augmente pas en raison des heures effectuées. Oyasama n'a pas dit de ne pas casser le bâtonnet en deux. Elle voulait éveiller l’attention de ce paysan sur sa façon de prier en évoquant son Service trop bref. En fin du compte, c'est ce fidèle lui-même qui a pensé au bâtonnet. Ce qu'a fait Oyasama, c'est de l'amener à réfléchir sur son attitude au Service.

Or, lorsque nous n'obtenons pas le résultat attendu, le problème demeure en nous dans la plupart de cas. En effet, Oyasama est toujours à nos côtés afin de nous aider à résoudre ce qui nous soucie, mais c'est souvent nous qui sommes absents. Un problème non résolu étant dû à notre absence d'esprit, la révision de notre attitude spirituelle sert à remettre notre esprit aux côtés d'Oyasama. L'esprit dont je parle ne veut pas dire la volonté sincère, l'envie d'une solution ou l'aspiration à la guérison car elles sont présentes en prière, mais l'existence sereine, nettoyée et purifiée de la personne qui prie. La purification de l'esprit, ou plutôt son nettoyage, doit être travaillée au Service.

Voici un autre exemple, celui d’un médecin de village. En 1863, suite à la demande d'un homme du village voisin, Oyasama s'était rendue chez lui et avait sauvé un de ses enfants de la mort. Elle y était restée une semaine où elle secourut d'autres personnes du village. L'année suivante, elle retourna au même village pour une quarantaine de jours. Enflammés par sa venue, les villageois des alentours venaient sans cesse la voir pour demander son secours. Le médecin, mécontent de sa réputation de guérisseuse, fît un jour irruption dans la salle où elle était et il la bafoua publiquement. Oyasama ne se démonta pas mais, au moment où il allait poser la main sur elle, elle réagit en arborant un air majestueux.

« Si vous avez quelque chose à dire, dites-le ! », fit-elle.

Le médecin posa plusieurs questions pour la contrarier mais les réponses d’Oyasama étaient tellement intelligibles et lumineuses qu'il finit par se prosterner devant elle.

La réaction d'Oyasama face à lui est remarquable. D'abord, elle avait attendu que finissent les injures à son encontre mais, après avoir compris qu'il allait l'agresser, elle changea d'attitude et montra sa fermeté de ne pas céder à la violence. En plus, elle l'a convaincu à la fois par son courage et par son sang-froid sans tomber dans une altercation grossière. C'est donc un exemple à retenir tous les jours car, dans notre société stressante, nous sommes en permanence confrontés à des nervosités qui à tout moment peuvent provoquer une querelle inutile.

1 La Vie d'Oyasama, p.29.
2 Nishiyama Teruo, Près du Modèle ひながたを身近に, P.87.
3 Nakayama Shozen, Extraits des cours du premier niveau pour le XVIe stage sur la Doctrine第十六回教義講習会第一次講習録抜粋, P.166-170
4 Idem.
5 Idem.

(publié en février 2017 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)