La Vie d'Oyasama selon la vision du temps moderne

III, Temple de Tsukihi

14. Âme de Kamezô (La Vie d’Oyasama, p. 42-43)

En 1866, Oharu, fille d’Oyasama, donna naissance à Shinnosuke, futur guide spirituel de Tenrikyô appelé Shimbashira. C’était son troisième fils. En effet, le premier fils appelé Kamezô, né en 1854, décéda en 1860 à l’âge de sept ans. Oyasama a déclaré qu’elle avait fait renaître l’âme de Kamezô dans le corps du troisième fils Shinnosuke et ce dernier héritait de l’âme de Maegawa père (père d’Oyasama). En d’autres termes, la même âme a habité par la réincarnation les trois corps différents que sont le père d’Oyasama (1765-1840), Kamezô (1854-1860) et Shinnosuke (1866-1927). Cela veut dire qu’elle souhaitait garder l’âme de son père pour un garçon qui deviendrait plus tard le premier Shimbashira.

Au XIXe siècle, le taux de mortalité des enfants était plus élevé qu’aujourd’hui et que les gens étaient peut-être plus habitués à ce genre de drame que nos contemporains. Par exemple, du côté de l’époux d’Oharu, sept parmi ses onze frères et sœurs sont décédés très jeune. D’ailleurs, la fille d’Oyasama et son mari ont connu la deuxième déception plus tard : leur quatrième fils est également décédé prématurément. Dans ce contexte historique, les jeunes parents auraient pu relativiser la mort de leur fils aîné bien que ce soit toujours difficile à digérer.

La cause du décès de Kamezô étant inconnue, on en parle comme si sa mort était liée à la volonté divine. Car à sa naissance, Oyasama déclara comme suit : « cet enfant va devenir Shimbashira et Dieu l’accueillera comme tel.(1)» Et plus tard : « les parents lui étaient trop attachés parce qu’il était le premier fils, je n’avais pas pu l’adopter (La Vie d’Oyasama, p. 43) ». Les contemporains d’Oyasama ont pensé qu’elle fut obligée à effectuer la transmigration fraternelle de l’âme pour garder le premier Shimbashira à la Résidence, vu l’importance du droit de succession familial qui ne permit pas à ses parents de confier leur héritier chez Oyasama.

Cependant, cette interprétation a éveillé le doute au deuxième Shimbashira. Il dit qu’Oyasama aurait donné bien d’autres explications sur la question de cette âme mais le point qui aurait convaincu le plus les premiers fidèles, c’était cette hypothèse du « fils héritier ». Ils n’auraient alors consigné que ça. Selon lui, la question de l’héritage ferait partie des explications sur la transmigration de l’âme mais elle ne doit pas être la seule. Une âme ne change pas uniquement dans le souci d’une succession familiale son corps qu’elle intègre.(2)

Effectivement, il me semble improbable que sa mort précoce soit provoquée par le fait que ses parents ont repoussé la demande divine. Devant le refus du couple, Oyasama n’a prédit ni sa mort ni la transmigration de son âme dans le corps du troisième fils. La mort prématurée, fréquente à l’époque, l’aurait frappé accidentellement. C’est-à-dire, cela aurait été un coup de sort qu’Oyagami et Oyasama ne cherchaient pas à maîtriser et face à cette réalité triste, ils auraient voulu soulager le couple plus tard en affirmant que le petit garçon malchanceux est revenu dans le corps du nouveau-né. Je trouve également que c’est une des preuves qu’Oyagami respecte les vies et activités humaines sans imposer à tout prix ses intentions ni tout contrôler à son gré.

Quoi qu’il en soit, toutes ces interprétations n’empêchent pas de souligner l’importance de l’âme. Une âme est transmissible d’une vie à l’autre et il y en a qui sont prédestinées pour occuper une fonction bien précise telle que le Shimbashira. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’il y a des différences de valeur en rapport à leur prédestination. Il est bien précisé dans l’Ofudesaki :

Qu’ils vivent en haute montagne ou au fond de la vallée, Ils ont la même âme. (XIII, 45)

Dans Tenrikyô, il est dit que l’âme est immortelle ou vit éternellement. On trouve cette notion dans le Dictionnaire de Tenrikyô (rubrique « Tamashii (âme) ») ou bien dans les Anecdotes sur la Vie d’Oyasama (110. Perpétuelle survivance des âmes). Par contre, je ne trouve nulle part dans les trois écrits sacrés un mot qui parle de l’immortalité de l’âme. A ce propos, les explications de l’éternité du « ri »(3) sont nombreuses dans les prescriptions divines. Nous y voyons également les paroles expliquant que le cœur est aussi intemporel (ex : le 6 août 1898 ou le 12 février 1900 sur la maladie de Koharu SHIMADA). Le mot « cœur » pourrait signifier à la fois « cœur », « utilisation du cœur » et « âme » dans les prescriptions divines(4) mais je pense que la compréhension de l’âme selon Tenrikyô mérite d’être plus approfondie. Etant liée à d’autres questions importantes comme la mort, la réincarnation ou l’innen, l’âme reste encore un sujet qui nous ferait progresser pour notre maturité spirituelle.

1 Yamochi Tatsuzo, pp.166-167
2 Nakayama Shozen, pp.196-198
3 Le mot « ri » a des traductions multiples. Truth (vérité), divine principle (principe divin), reason (raison), divine will (volonté divine), providence (protection), virtue (vertu) sont les exemples des mots traduits en anglais selon Translation Handbook (publié par Tenrikyo Overseas Mission Department, 1997).
4 Moroi Keiichiro, 『天理教教理大要』Synthèse de la Doctrine de Tenrikyo, p271.

Références
Nakayama Shozen, 『第十六回教義講習会第一次講習録抜粋』Extraits des cours du premier niveau pour le XVIe stage sur la Doctrine.
Yamochi Tatsuzo, 『教祖伝入門十講』 Dix discours d’initiation sur la Vie d’Oyasama.
Nakayama Yoshikazu, Mon Oyasama 『私の教祖』.
Dictionnaire de Tenrikyô, Doyusha, 1997.

(publié en mai 2018 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)